dimanche 11 octobre 2009
Je rénove, tu rénoves, il rénove, nous rénovons, vous ...
Coté rigolade, Daniel Mermet, lors d'une de ses émissions, a déniché un chef d'oeuvre !
Ne boudons pas notre plaisir.
" cent kilomètres à pied, Fabius, Fabius les souliers "
" Jack Lang de bois ..."
" Va falloir nettoyer ça au Kouchner ..."
Bref, notre coeur fait Blum.
Envoyez la vidéo de "la crevette d'acier" ...
http://www.youtube.com/watch?v=xxtqGaq5Vjo
samedi 10 octobre 2009
Gros dégueux ... TOTAL, toujours au top !
TOTAL va investir dans l'extraction du pétrole contenu dans les sables bitumineux. La fin du pétrole disent certains ? Certes, mais celui qui reste va nous coûter un maximum, au moins du point de vue environnemental. La fête continue ...
http://www.greenpeace.fr/destruction-durable/
La contre pub réalisée par Greenpeace ...
http://www.dailymotion.com/relevance/search/total/video/xapxcf_total-investit-dans-la-destruction_news
Au fait, Total n'était -il pas partenaire du film de YAB, Home ? Nous ne sommes pas cyniques, mais réalistes et heureux de ne pas avoir regardé le reportage de l'ex photographe du Dakar.
500 connards sur la ligne de départ,
500 blaireaux sur leur moto,
ça fait un max de blé aux portes du désert,
un paquet d'enfoirés sous le ciel du Ténéré ... (Renaud)
Les dirigeants syndicaux aiment les mondanités ... les luttes, beaucoup moins
Nombre de visites de Thibault, Mailly et Compagnie :
- avec les travailleurs chez Goodyear : 0
- avec les travailleurs chez Continental : 0
- avec les travailleurs chez Caterpillar : 0
- avec Nicolas Sarkozy à l'Elysée : 8.
Le 13 janvier, pour « la prévention des restructurations ».
Le 19 janvier, pour les « vœux aux partenaires sociaux ».
Le 18 février, pour un « sommet social ».
Le 30 mars, pour préparer le G 20.
Le 10 avril, pour entendre les résultats du G 20.
Le 8 juin, pour préparer le discours de Nicolas Sarkozy au Bureau International du Travail.
Le 1er juillet, pour un nouveau « sommet social ».
Le 1er septembre, on ne sait pas pourquoi.
Source : site officiel de l'Elysée, www.elysee.fr.
Eh oui, les faits sont cruels et tétus. Pour approfondir le sujet, le numéro 42 de Fakir ne fait pas dans la dentelle. Thibault change de costard et celui taillé par Ruffin et son équipe de "tailleurs d'oreilles en pointes", c'est du "sur mesure".
3,00 €, moins cher qu'un paquet de clopes et c'est bien meilleur pour la santé !
La Poste : 98 % des votants refusent la privatisation
Résultat sans appel pour la votation citoyenne, organisée du 3 au 5 octobre par soixante-deux organisations syndicales, dont la question était : « Le gouvernement veut changer le statut de la Poste pour la privatiser, êtes-vous d’accord avec ce projet ? » Plus de 98 % des votants — quelque 2,1 millions de personnes — ont répondu « non ».
Alors que certains des mouvements à l’origine de la consultation réclament un référendum national, le gouvernement, dont les membres n’ont pas hésité à railler l’initiative — le ministre de l’éducation Luc Chatel l’a qualifiée de « tartuferie » —, assure que la « réforme » aura bien lieu. Et répète inlassablement qu’il n’est pas question de privatiser la Poste : malgré sa transformation en société anonyme (S.A.), elle resterait propriété de l’Etat à 100 %.
Un argument déjà entendu dans le cas de France Télécom (lire « La mort lente d’une entreprise nationale ») et, plus récemment, de Gaz de France (GDF). « Il n’y aura pas de privatisation d’EDF et de Gaz de France, c’est clair, c’est simple et c’est net », assurait Nicolas Sarkozy en 2004. Celle de GDF eut finalement lieu le 20 décembre 2007.
Dans Le Monde diplomatique
- « A La Poste aussi, les agents doivent penser en termes de marché »
par Gilles Balbastre, octobre 2002.Les dirigeants de la Poste, dont le rôle social et territorial rivalise presque avec celui de l’école, n’ont eu de cesse de discipliner leurs agents pour extirper leur culture de service public, jusqu’à les conditionner pour leur faire transformer l’usager en client. Une mutation dont les étapes sont décrites dans une chronologie : « La mort lente d’une entreprise nationale ».
- « Portrait de France Télécom en multinationale »
par Marie Bénilde, mai 2009.Au départ, PTT,un puissant service public « à la française » tenu d’acheminer les communications jusqu’aux villages les plus reculés. A l’arrivée, Orange. L’usager, entre-temps devenu client, a-t-il gagné au change ?
- « Privatisation à la hussarde de Gaz de France » , La valise diplomatique, février 2006. Le rapprochement entre Suez et Gaz était attendu depuis la cotation en Bourse de l’entreprise publique. Cette fusion correspondra à une privatisation de GDF.
- « Dans l’étau des privatisations »
par Serge Halimi, juin 2004.Les questions de santé, comme celles de la « constitution » ou des services publics sont évacuées de la campagne des élections européennes du 13 juin. Ainsi les libéraux peuvent-ils appliquer, étape par étape, leur feuille de route des privatisations.
- « Télécoms, le laboratoire de la libéralisation »
par Pierre Khalfa, janvier 2002.Pour analyser les effets néfastes du tout-marché, le secteur des télécommunications est un cas d’école. Et c’est le modèle qu’on veut imposer aux services publics.
L’angoisse des éléphants et petits marquis « socialos »
Quoiqu’il faille rester prudent sur les résultats des dernières élections européennes, furent confirmés, pour le moins, le désintérêt, le rejet d’un jeu sans enjeu. Rien n’y fait, même la puissance des médias, les classes populaires n’adhèrent pas à cette Europe capitaliste et libérale, malgré les promesses de vaines réformes. Quant aux classes moyennes, elles semblent reporter leurs espoirs, pour partie, dans l’attelage disparate d’Europe Ecologie. La Bérézina de la « société des socialistes »1, malgré la morosité ambiante de l’échec des luttes, ne peut que nous réjouir. Le devenir des petits marquis et autres barons qui espéraient accéder aux sommets de l’Etat pour gouverner dans le cadre de l’alternance, au profit de la bourgeoisie financière et industrielle semble des plus compromis. Leur angoisse de voir leurs rêves s’évanouir est telle que, dans la dernière période, ils répandent leurs états d’âme, leurs jugements et pronostics catastrophiques. Cela vaut véritablement le détour. La probabilité de ne plus être le parti hégémonique d’opposition, ce qui leur assurait de détenir, en cas de succès, les postes de commande, les laisse pantois, indécis sur leur avenir, prêts à la reconversion quand ce n’est pas déjà fait. Ce fut donc une véritable distraction que de collecter et de mettre en scène les jugements que ces tristes sires portent sur eux-mêmes2 d’autant que, tout compte fait, le diagnostic d’ensemble qui en ressort semble pertinent. Il démontre l’état de déliquescence de ce parti et révèle surtout, mieux qu’une analyse abstraite, les aspirations contrariées des ténors. Le sol se dérobe sous leurs pieds, la vieille taupe semble avoir creusé tant de galeries sous la fondation de la « Maison commune » que la refonder, la reconstruire, la rénover demeure un luxe que beaucoup d’entre eux ne veulent plus se permettre.
Déliquescence
A les entendre, le diagnostic est cruel. On les savait « divisés » mais « recroquevillés sur eux-mêmes » ? Dans cette auberge espagnole les voix sont discordantes et plurielles. Elles nous disent sur tous les tons que « l’appareil est tombé dans le formol » mais qu’il « faut essayer de le relever » bien qu’il soit à terre et demeure « une machine à perdre », « un arbre sec » qui ne peut plus produire aucun fruit. Quant à Martine Aubry que tous les petits marquis ont mise à leur tête, elle n’est que le « chef d’orchestre de la cacophonie qui règne à bord de ce Titanic, incapable de voir l’ampleur des voies d’eau » qui le plombent. A bord de ce navire qui sombre, elle fustige les fausses notes des quadras, impatients qu’ils sont de trouver une bouée de sauvetage. Pour reprendre la description amusée du journaliste Noblecourt 3, sur le pont, « le bal des égos » tourne à la ménagerie : « les éléphants s’ébrouent, les jeunes lions se défient les uns les autres » tandis que les grands barons des Régions se cramponnent au bastingage « se refusent à toute discipline, à toute vassalité » orchestrale. Ils sont tous malades de la peste électorale car, selon Rocard embarqué dans un autre bateau de plaisance, « les carottes sont cuites », « les électeurs … ont montré leur attachement au modèle du capitalisme financiarisé » et au « vote conservateur ».
Benoît Hamon, « pour franchir le cap », avant que le bateau ne sombre, suggère d’embarquer sur une chaloupe (pour l’heure) chimérique « celle du rassemblement de toute la Gauche qui dépasserait notre propre formation ». Mais personne n’entend, les socialistes ne sont pas seulement « inaudibles et malades » mais sourds et « immatures ».
Bref, « la situation est grave », désarmé il faut « se réarmer idéologiquement », car la « Maison commune » s’écroule, la « refonder » sur des ruines pour les uns, la «rénover » pour les autres, alors que manifestement il n’y a pas que la façade qui soit craquelée, cela donne lieu entre eux à « une bataille de chiffonniers ». Sans y croire, ceux qui veulent la réparer proposent de « rénover la démocratie ». Mais pour réintroduire un peu de sérénité « dans ce grand corps malade et à la dérive », au sein « d’un appareil en pleine nécrose » qui ne produit qu’un « vide sidéral » car son « encéphalogramme est plat », il faut véritablement faire appel à un nécromancier4. Mais il ne suffit pas d’invoquer Jaurès ! Le constat de l’analyse de G. Grunberg laisse peu d’espoir : le navire « ne fonctionne plus, il est désorienté », d’ailleurs « on n’attend plus rien de lui puisqu’il n’a rien à dire » de différent de Sarko ou si peu.
Et, sur le pont, c’est le « désarroi », la panique, « il n’y a pas d’esprit d’équipe », tous se chamaillent, font preuve d’esprit de chicane, pensez donc ! «En 10 ans, Hollande n’a pas avancé une seule idée » pour s’en sortir. Alors beaucoup, parmi les ténors, à force de s’égosiller « n’ont d’autres espoirs que de s’inventer d’improbables destins solitaires ». Ils le pressentent, « leur survie est incertaine » même si « le risque de mort subite est très faible ». Voyez ! «La SFIO a mis 15 ans à disparaître », pas de quoi se réjouir « l’agonie n’en sera que plus cruelle ». Ajoutez à cela (n’en jetez plus !) « la balkanisation du Parti conduite par les barons et leurs alliances à géométrie variable », on risque d’assister à une guerre des fiefs. Quoique ! Les éléphants roses sont des êtres timorés, à preuve, l’incantation « d’avoir de l’audace » pour oser s’attaquer au bouclier fiscal de Sarko et, contradictoirement, de ne pas faire de l’antisarkozysme. Et puis, ils sont tous affectés de « paresse intellectuelle », « ils ont perdu le sens du désintéressement », engoncés qu’ils sont dans « le bricolage politicien » et « le clientélisme interne ». Ils déplorent, blâment « la vaine querelle des générations », celle qui fut aux affaires et celle qui y aspire, sans se rendre compte que « la Gauche gouvernementale … s’est perdue elle-même ». Quant aux barons, ils se « sont (tellement) enfermés dans le refuge anesthésiant du localisme, flirtant avec l’apolitisme » qu’ils ne s’aperçoivent même plus qu’ils sont « majoritaires dans les régions mais impuissants ». Les chefs de courants disloqués ruminent leur « soif de pouvoir ». Débauchables, ils le sont ou peuvent le devenir. Sarko guette ses proies prochaines. Manuel Valls piaffe, lance son cri du cœur, il « ne veut pas mourir à petit feu », lui et sa génération de quadras, « dans ce parti moribond ». Lui et les mêmes qui avaient fait le choix du PS en espérant qu’après Chirac, leur heure serait venue. Alors, ils espèrent tous un miracle à l’américaine qui leur ramènerait une cohorte d’électeurs.
Dans l’attente d’un miracle, pas de prophétie mais des prophètes en surnombre
L’angoisse est perceptible, la promesse d’une nouvelle « renaissance » (il faut être mort pour en parler !) doit-elle venir d’un projet (car ils n’en n’ont pas) ou d’un leader (il y en a trop) ? Il y a ceux qui s’acharnent à démontrer qu’ils auraient une terre promise à proposer et là, ça tourne vinaigre aux phrases creuses et à l’enfer sarkozien. Lebranchu qui s’y essaie n’est pas véritablement branchée sur la réalité de la précarisation galopante de la société. Son programme ? « Que chacun soit à sa place puisque chacun a le droit à la réussite comme à l’échec » (car) « il faut protéger les citoyens et faire confiance aux entrepreneurs » ! Rien que cela ! Et faute de mesures concrètes qui risqueraient d’être trop radicales, son faible dessein est de « dessiner une France pour lui redonner une âme » (elle vire mystique, ma parole !) et « des armes… (!) pour la compétitivité internationale ». Mieux, elle prétend « donner un visage à la solidarité et à la morale publique ». C’est là du marketing à bas bruit pour une marchandise bien frelatée d’autant que « battre la Droite n’est plus un projet politique » quand il est si difficile de s’en distinguer. Alors, faut-il la singer encore plus pour reconquérir ces classes moyennes dont Strauss Kahn, ce faux prophète réfugié dans la tour d’argent du FMI, leur avait promis qu’elles étaient leur avenir. Pour Manuel Valls qui vire sécuritaire et xénophobe, cela ne fait pas l’ombre d’un doute : « Il faut tout remettre en cause jusqu’au nom du Parti ». Les Partis frères européens montrent la voie, dans la lignée de Sustra qui a succédé à Veltroni, la coqueluche de Ségo, comme le Parti démocrate italien, il faut être « centriste à l’américaine » et Sustra de préciser, pour ceux qui n’auraient pas compris : « nous ne sommes pas des socialistes, pas trop de Gauche et pas trop pour l’étatisme ». Aubry a recadré cet impatient. Certes, de programme, nous, parti de Gouvernement, nous n’en avons pas, alors « il faudra des propositions » et de nous citer des exemples consternants à vous combler de désespérance : « Mieux indemniser et former les chômeurs » (cette calamité est nécessaire !), « accompagner les PME performantes (point trop n’en faut !) et de plaider pour « une durée du travail tout au long de la vie » (le problème des retraites résolu !). Eh oui, elle n’a qu’un regret, celui de « n’avoir pas pu faire la réforme des retraites » lorsqu’elle était aux affaires et a laissé Sarko le faire !
Angoisse, nous sommes à «1 000 jours des Présidentielles », « attention » nous allons manquer la marche du pouvoir ! C’est pas le moment, rétorquent les barons, « la bouée de sauvetage du PS, ce sont les élus locaux ». Les Régionales c’est tout de suite, pas touche, nous voulons garder la haute main sur ce scrutin et la composition des listes ; ne venez pas interférer dans nos affaires avec vos courants et votre tactique électorale.
Mais, il nous faut un sauveur, vite, « 1 000 jours ». Vite, un miracle. « Il va falloir que quelque chose se produise et vite, sinon, tout sera irrémédiablement (sic) compromis ». L’oracle ce sont les primaires à l’américaine. La décision n’est pas encore prise, qu’à cela ne tienne, les prétendants se bousculent déjà. « Obnubilés », les Valls, Mosco, Hollande, Delanoë, tous prêts à étouffer Ségo ! Fringante, la petite dame les a remis à leur place. Elle a tracé son autoportrait, elle est la seule à avoir « charisme, courage, lien avec le peuple et du plaisir (sic) ». Comme pour mieux assurer sa dérisoire autopromotion, elle nous promet, pour la rentrée, la parution « d’un dictionnaire amoureux de la politique ». L’apprentie starlette a de telles bouffées de chaleur qu’elle veut nous les faire partager ? Cette starmania annoncée sent le bide assuré, non ?
Quant à Mister Hollande, lui, il s’est installé à son propre compte. Il préconise comme une nouveauté « de relancer la production française » et de « lancer un nouvel emprunt », du Sarko pur jus … Pas de quoi s’étonner que, vis-à-vis des uns comme des autres, fleurit entre camarades le sobriquet chaleureux de « doux dingues ». Ils ont de ces amabilités ceux qui claironnent la fraternité ! Mais ils n’oublient pas qu’ils ont des maroquins à conserver. Et là, Hue, le maître en balourdise qui « s’enorgueillit d’avoir porté la plus longue participation des communistes à un gouvernement de Gauche en Europe occidentale » et par la même occasion de les avoir réduits à la portion congrue, est arrivé en prompt renfort « pour jouer un rôle fédérateur ». Il n’est pas certain qu’il arrive au port pour « sauver les 185 conseillers régionaux PCF sortants ». C’est pourtant la mission qu’il s’est assignée, le drôle, qui avoue « les partis de Gauche ont failli » et pourtant il est « tellement fier de son parti », lui qui n’a pas repris sa carte au PCF … Pitoyable ! Bartolone, lui, est plus réaliste : « c’est foutu ». « Les électeurs ne nous trouvent ni utiles, ni sympathiques » et amer, de se questionner : « les socialistes ont-ils envie de rester ensemble ? Y a-t-il un avenir porteur ailleurs ? »
Des aspirations contrariées pour intégrer les cercles dominants
« 1 000 jours » pour parvenir ou déchoir. Certains, pragmatiques, n’ont pas attendu, les débauchables se sont fait débaucher, ils ont quitté le navire en perdition et, ma foi, se sont bien intégrés. Laissons de côté l’inénarrable bushien Kouchner, intéressons-nous pour leurs caractères emblématiques à Besson et à Rocard. Nous ne dirons rien non plus de ceux qui sont sur liste d’attente, les Lang, Allegre et quelques autres en mal de reconversion.
Besson donc, l’ex-spécialiste en économie du PS, l’ex-futur espoir, s’est très vite adapté à ses nouvelles convictions sarkozystes. Son prédécesseur lui a montré la voie, il déploie tout son zèle. Ministre de l’immigration, de l’intégration et de l’identité nationale, le voici désormais pétainiste bon teint, justifiant la délation, réclamant des corbeaux. Ne doutant de rien, bonhomme, aux associations de défense des « sans papiers » il réclame des noms, des coupables ! L’homme a ses quotas à respecter et un délit de solidarité à faire appliquer, ce qui motive amplement toutes les tracasseries qu’il fait subir, le climat d’intimidation et de crainte qu’il entretient. La loi républicaine est ce qu’elle est : quiconque aide, héberge un sans papier a le droit à une peine maxi de 5 ans d’emprisonnement et 30 000€ d’amende. Certes, on n’ose pas, en haut lieu, l’appliquer dans toute sa rigueur sécuritaire. Cela n’empêche pas ce fringant dignitaire de la xénophobie, de mentir effrontément au GISTI5, en prétendant malgré les preuves avancées qu’aucune condamnation n’a été prononcée. N’en doutons pas, la raison d’Etat républicaine guide ses pas. C’est certainement une de ces « valeurs » dont se gargarise chaque matin Martine Aubry, muette sur le sujet des étrangers. Ces gens là nous assurent pourtant qu’ils sont pleins d’humanité et de fraternité ! Faut pas croire le dicton populaire qui nous assure que « lorsque l’on a la chemise merdeuse on ne monte pas au mât de cocagne ».
Ah ! Rocard, c’est un autre style, tout en rondeur et rond de jambes. Devenu premier missi dominici de Sarko et qu’importe si les idées ne viennent pas de lui, il admire son étroitesse pontifiante d’homme indispensable. Membre de la commission de réflexion sur l’emprunt national en compagnie de Juppé, Monsieur « taxe carbone »6 et récemment promu par son ami Kouchner, ambassadeur itinérant pour la protection des pôles arctique et antarctique. Cela ne lui suffisait pas de nous montrer sa superbe propriété avec ses chats et ses chiens, le voila qui court le « pingouin » … Plus méchamment ses petits camarades disent qu’il s’est « transformé en béquille improbable de Sarko ». Ils oublient que ses conseils ( !) sont largement rémunérés et que les croisières sont un agrément sans nul autre pareil. A bord du luxueux bateau Diamant (ça ne s’invente pas !) du 29 juillet au 9 août, l’inusable Rocard appareillera pour une tournée en Groenland afin de découvrir la magie des glaces7. Sûr que ce complaisant personnage nous reviendra avec force recommandations, et plein de faconde sur la bonne gouvernance pour la planète !
Ah les barons ! Ils se portent bien, se pensent indélogeables. Prière de ne pas leur souffler dans les bronches, leurs courants ce sont leurs affidés et ils n’ont d’états d’âme ni pour la plèbe ni pour la nature. Une figure cynique pour illustrer : Jean Marc Ayrault, le bétonneur, celui qui a compris que l’avenir c’est la sainte alliance UMPS. Le Maire de Nantes, député mégalo, trouve que son aéroport n’est pas assez grand(iose). Pensez donc ! il accueille 2,8 millions de passagers par an. Bon, pour ne pas le contredire, oublions que celui de Genève avec ses 340 hectares permet à ses 10 millions de voyageurs d’emprunter les avions sans problème et considérons le projet qu’Ayrault a concocté avec l’UMP. Pour la bagatelle de 600 millions d’euros, 2 000 hectares de terres agricoles seront dévorées, 50 exploitations agricoles rasées et l’étalement urbain stimulé, les nuisances sonores en seront amplifiées mais ce qui compte c’est bien sûr le développement durable de la nouvelle mégapole européenne. Que les associations pétitionnent, que 200 élus ruraux se coalisent, il n’en a cure, la démocratie est chose trop importante pour être confiée à la populace.
Il y a les grands élus et aussi les gagne-petit qui veulent jouer dans la cour des grands. Lorsque ces apprentis affairistes ou ripoux à la petite semaine se font prendre la main dans le sac alors qu’ils espéraient frimer auprès de leurs pairs, ils sont pitoyables. Il n’y a pas lieu de s’étendre sur ces cas comme ceux du Maire d’Hénin-Beaumont ou de Julien Dray. Notons néanmoins que le premier a redonné consistance au FN en perte de vitesse et que le second en puisant dans les caisses de SOS Racisme et de la FIDL8, et ce, pour se donner des airs de petit pontife et satisfaire ses goûts de coquette (montres Rolex … une James Bond …), rend un fier service à ceux qui n’avaient pas encore saisi la nature de ces filiales du PS. Et le chiqué est choqué que l’on ose révéler ses malversations, quand nombre traders inconnus s’en mettent plein les poches.
Dans ce marigot quelque peu fétide, la foire aux vanités est désormais bien mal récompensée. Las d’attendre une alternance désirée qui ne vient pas. Certains ont certes sauté le Rubicon qui les sépare si peu de la Droite, les autres trépignent. 1 000 jours ! Ces parvenus ou aspirant à le devenir sont obnubilés par leur « désir d’avenir » : servir la bourgeoisie financière dominante et en attendre en retour une juteuse rétribution par intégration. Leurs modèles sont peut-être à l’Est ? Quoique Blair à l’Ouest c’est pas mal. Pour ne nous en tenir qu’aux Allemands, orfèvres en la matière, citons Schroeder, cet ex-idole de la « social démocratie » qui, ayant à peine quitté son fauteuil de la Chancellerie s’est propulsé à la tête de Gazprom. Lui, l’un des dirigeants les plus riches de ce consortium vient d’être rejoint par Joachim Fischer, l’ex-coqueluche de la « gauche » européenne. Embauché par Nabucco, il paraîtrait, selon la presse allemande discrète en la matière, qu’il palperait un salaire alignant cinq zéros en euro. En gentleman de cette nouvelle aristocratie financière, Schroeder a salué l’arrivée de ce concurrent par un « bienvenu au club » ! D’autres, moins bien placés, intégrés au sommet des conseils d’administration tels Cap Gemini, Casino, CETELEM, la Banque Lazard … font certainement baver d’impuissance tous les petits soupirants qui peuplent le PS. Dans le sillage des maîtres, ils sont comme ces mouettes criardes quémandant leur rebut de morue derrière le navire de la mondialisation.
La taupe creuse là où l’on ne l’attend pas
Mais les temps ont changé. La bourgeoisie financière dominante n’a qu’une religion, Sarko l’intrépide. Le bloc au pouvoir traite avec mépris les classes appuis de la petite bourgeoisie et des classes moyennes sur lesquelles s’est fondé le PS pour se hisser aux hauteurs de l’Etat pour mieux libérer le capitalisme de contraintes réglementaires jugées archaïques. L’heure est à la brutalisation des rapports sociaux. Pour restaurer dans toute sa splendeur spéculative le capital financier, il faut bien faire payer la crise à tous ces bobos. Quant aux classes populaires on leur fera ingurgiter de force la pilule amère. On pourra toujours, pour les aider à déglutir ces couleuvres, leur injecter quelques baumes palliatifs tels le RSA et autres contrats de transition professionnelle car, chez ces gens là, il est courant de croire que la mansuétude populaire peut gober les illusions les plus ténues. Comme les socio-libéraux ne sont plus d’aucune utilité dans le moment présent, Sarko et ses godillots sont bien décidés à les ringardiser définitivement. Guère insurmontable, ce labeur de réduction du poids des socialos dans les régions et départements, surtout si le taux d’abstention des classes populaires se maintient. Quant aux 10, voire 15 % de l’extrême Gauche, on peut faire avec. Et vis-à-vis de l’attelage improvisé qui marie la carpe libérale et le lapin écolo auquel est rallié l’électorat bobo qui ne sait plus à quel saint se vouer, Sarko-Borloo en feront leur affaire. Et les socialos de pinailler, de pousser des cris d’orfraie à nous épouvanter que l’on puisse, par du charcutage électoral, leur piquer ce qui leur reste. Le sol se dérobe sous leurs pieds, on comprend dès lors que leur jactance s’emballe.
C’est là l’oeuvre de la vieille taupe, là où l’histoire peut nous surprendre. L’illusion d’une obamania se propageant dans l’hexagone se dissout déjà et la réalité de la politique présente et passée taraude les classes populaires et la petite bourgeoisie. L’alternance pour la gauche patronale s’éloigne comme un cauchemar que l’on ne veut pas revivre. Là où les socio-libéraux sont encore au pouvoir en Europe, en Espagne, au Portugal et en Grande Bretagne, la situation est catastrophique pour les peuples. Et que dire de ces parlementaires britanniques (cette gauche moderne) qui, comme de vulgaires escrocs se vautrent dans les deniers des contribuables ? La mémoire est à vif et les réminiscences sont autant de blessures : la libéralisation des capitaux (Bérégovoy de 88 à 91), la défiscalisation des stocks options (Strauss Kahn), la réduction des impôts pour les plus riches initiée par Fabius … etc
Alors, rien ou si peu ? Les salariés sont en colère, le feu couve toujours dans les quartiers populaires, les luttes restent défensives, éparpillées même si leurs formes débordent le dialogue social consensuel cher à Chérèque. A l’Elysée et dans les milieux patronaux, l’on a poussé un ouf de soulagement, la jonction des mouvements sociaux qui touchaient les hôpitaux, les universités, les travailleurs licenciés, ne s’est pas produite. Parmi les classes populaires, l’heure est à la déprime et à la croyance diffuse et entretenue que cette crise est un mauvais moment à passer. Ce discours dominant imprègne les esprits quoiqu’on en pense. Les classes dirigeantes et leurs porte-parole nous l’assurent, ils vont moraliser le capitalisme. Certes, quelques escrocs emblématiques nous seront jetés en pâture mais la logique de vautours ne sera pas remise en cause. Anesthésiantes, les idées dominantes enferment les masses dans une prison sans paroi visible. Seule leur pratique sociale faite de nouveaux échecs et de confrontations peut la briser pour autant qu’elle soit étayée par les convictions fortes de révolutionnaires issus de leurs rangs. Nous n’en sommes pas là. Il n’empêche, l’ébranlement des assises sociales des socio-libéraux a dissipé bien des illusions. La vieille taupe a creusé de profondes galeries sous leurs pieds. Aux communistes de savoir manœuvrer intelligemment, ce n’est pas donné.
Gérard Deneux le 3.08.2009
Le cinéma, c'est reparti ...
Dans le cadre du cinéma social à l’Espace Méliès à LURE,
les Amis de l’Emancipation Sociale et les Amis du Monde Diplomatique
vous proposent un film et un débat
le vendredi 16 octobre 2009 à 20h30 entrée : 5,50€
Let’s make money
suivi d’un débat avec
Thomas Coutrot
Conseil Scientifique d’ATTAC
Dans We Feed the world Erwin Wagenhofer dénonçait les dérives de l’industrie alimentaire. Avec Let’s make money, il explique comment nous autres, innocents contribuables, alimentons la plus inique des mécaniques : le système financier mondial. Des mines d’or du Ghana aux banques londoniennes, des champs de coton du Burkina Faso aux gratte-ciel de Singapour, des bidonvilles de Madras aux plages de Jersey, le réalisateur s’attaque à l’opacité du système. Deux mondes s’interpénètrent sans jamais se rencontrer : dans l’un, on ramasse du coton ou on casse du minerai, dans l’autre on «fait» de l’argent. Au cours du débat, Thomas Coutrot évoquera les remèdes contre cette « ère de la barbarie » qui n’est pas inéluctable. Ils ne sont pas à rechercher dans les G 20 et autres sommets mondiaux mais plutôt dans les luttes populaires des pays du Nord et du Sud pour imposer un autre système économique où répartition équitable des richesses et contrôle social permettront de renverser la logique qui consiste à «faire du fric» en spéculant sur tout.
Justice de classe, justice ordinaire...
La famille de Rabah, soutenue par les habitants du quartier se sont mobilisés, afin d'en savoir un peu plus et ont décidé de se faire assister d'un avocat. La famille et son défenseur ont eu toutes les peines du monde a obtenir plus que les conclusions du rapport d'autopsie et jusqu'alors, le rapport lui même n'avait pas été mis à leur disposition.
Le 2 octobre, une manifestation s'est tenue devant le Tribunal de Belfort. Voici le texte de la déclaration faite devant le tribunal. Elle émane du comité "Vérité et Justice".
Monsieur le Procureur Lebeau
Au nom du Comité Vérité et Justice
Pour la dignité d’un homme parmi les hommes,
Pour la mémoire de Rabah Bouadma, âgé de 38 ans, originaire de Delle,
Pour sa famille et ses proches, pour tous ses compagnons du quartier de la Voinaie,
Pour tous les citoyens épris de justice,
Nous sommes en droit de connaître la vérité sur sa mort survenue le 15 juin dernier, dans des circonstances non élucidées à ce jour.
M. le Procureur, nous, réunis ici, ce 2 octobre, devant le Tribunal de Belfort, nous vous interpellons publiquement. Qu’avez-vous fait, M. le Procureur, depuis le 15 juin pour la manifestation de la vérité ? A peu près rien ou si peu !
L’on peut raisonnablement penser qu’informé de ce rassemblement devant le Tribunal, vous avez, cette fois, fait preuve de célérité. Notre avocat vient de nous avertir ce matin-même que le dossier d’autopsie, réclamé depuis le 13 juillet dernier, venait de lui parvenir !
Nous vous rappelons que, suite à son interpellation policière, Rabah Bouadma, conduit à la gendarmerie de Delle, est décédé dans des circonstances non élucidées, avant ou à l’occasion de son transfert à l’hôpital.
Que s’est-il passé dans les locaux de la Gendarmerie ? Nous n’en savons rien !
Que s’est-il passé pendant son transport à l’hôpital ? Nous n’en savons rien !
Qu’est-ce qui a provoqué le décès de Rabah ? Nous n’en savons toujours rien !
Veut-on cacher la vérité ? Qui veut-on protéger ?
Nous sommes toujours en droit de nous poser ces questions.
Que dit, sous réserve de plus d’investigation, le rapport d’autopsie ? Nous avons désormais la certitude que Rabah Bouadma n’est pas mort de mort naturelle. Il est décédé, en position ventrale, suite à des coups reçus et à l’injection de produits sédatifs.
Nous vous rappelons, M. le Procureur, que depuis le 15 juin, un certain nombre de faits troublants nous inquiétaient. Nos questions étaient sans réponses
Pourquoi, le 15 juin, la famille n’a pu avoir voir le corps au funérarium de Danjoutin ?
Pourquoi un nouveau refus le 18 juin ?
Pourquoi, M. le Procureur, n’avez-vous pas répondu à la lettre que Hassen, le frère de Rabah, vous a adressée le 18 juin ?
Pourquoi vos services ont-ils laissé entendre aux journalistes de l’Est Républicain que le Parquet allait ouvrir une information judiciaire alors même que cette information a été démentie le 22 juin ? Ce jour-là, en effet, Hassen, le frère de la victime, était averti qu’aucune information judiciaire n’était ouverte.
Parce que ces faits étaient plus que troublants, nous avons saisi un avocat. 150 personnes ont manifesté à Delle le 4 juillet en mémoire de Rabah Bouadma et, afin que vous, M. le Procureur vous fassiez diligence. Et depuis, jusqu’à ce matin-même, nous n’avions de votre part que des réponses dilatoires. Notre avocat, Maître Schwerdorffer, qui, vous le savez, est un auxiliaire de justice indépendant, lui non plus, n’avait pu obtenir satisfaction malgré ses multiples interpellations.
Ce n’est que ce matin, et j’insiste, que le rapport d’autopsie lui a été communiqué. Faut-il vous rappeler M. le Procureur que Maître Scwerdorffer vous a saisi le 13 juillet par lettre recommandée pour avoir accès à la totalité du rapport d’autopsie. Il vous a relancé à plusieurs reprises y compris par téléphone. Vous lui avez dit ou fait dire que vous alliez l’informer, que cette affaire ferait l’objet d’un suivi rigoureux, que vous vous occupiez de tout… Ce n’est que ce jour que vous lui avez adressé le rapport d’autopsie que vous déteniez.
Fau-il vous rappeler, M. le Procureur, que vous vous êtes contenté, avant la manifestation d’aujourd’hui, de faire parvenir à notre avocat les seules conclusions lapidaires du rapport d’autopsie que vous déteniez. Conclusions qui, en elles-mêmes, ne disaient rien sur l’origine du décès de Rabah Bouadma ! Vous ne pouvez ignorer que les termes « détresse respiratoire » provoquant un « processus d’asphyxie » suivi d’un « arrêt cardiaque » ne disent rien sur ce qui a provoqué la détresse respiratoire.
Nous sommes aujourd’hui le 2 octobre, plus de 3 mois se sont écoulés depuis le décès de Rabah Baoudma ! Nous sommes stupéfaits de la lenteur de l’institution judiciaire que vous représentez. Nous ne pouvons qu’exprimer notre mécontentement face à votre manque de considération pour un auxiliaire de justice, notre avocat, qui n’a pu obtenir satisfaction à ses demandes que sous la pression de notre manifestation publique.
Peut-on penser, M. le Procureur, que si la victime avait eu la peau blanche, que si elle avait appartenu à une famille de notable, vous auriez peut-être agi avec plus de diligence ?
La justice, dans ses fondements, n’est pas, que nous sachions, une justice ethnique, raciste comme ce fut le cas sous le régime de Vichy. Elle proclame l’égalité de tous les justiciables, elle ne prend en considération dans ses principes ni la couleur de la peau, ni l’origine sociale comme critères discriminants.
Nous voulons croire que nous ne sommes plus au temps où Victor Hugo s’indignait que l’on ne traite pas de la même manière le puissant et le misérable !
M. le Procureur, trop d’affaires racistes, trop de bavures policières empoisonnent le lourd climat social dans les quartiers populaires.
M. le Procureur, votre responsabilité est engagée. Rabah Bouadma n’est pas mort de mort naturelle. Vous ne pouvez pas classer sans suite cette affaire. Vous devez ouvrir une information judiciaire pour la manifestation de la vérité et de la justice. Par l’intermédiaire de notre avocat, nous allons vous demander la nomination d’un juge d’instruction. Nous souhaitons désormais que la Justice fasse preuve de célérité.
M. le Procureur, votre responsabilité est engagée.
Le comité Vérité et JusticeLa lutte pour que toute la lumière soit faite quant aux circonstances du décès de Rabah va continuer et nous ne manquerons pas de vous tenir informés des actions dont décidera le comité (conférences, réunions, manifestations).
mardi 23 juin 2009
L’épargne privée au secours de la dette publique ?
ATTENTION ! La grande intoxication générale de "l'explosion de la dette publique" est dans les tuyaux. De bonnes lectures, faisant office de "masque à gaz" s'imposent. On attaque "bille en tête", histoire de ne pas ramasser les prémices des premières bouffées toxiques.
lundi 22 juin 2009, par Laurent Cordonnier
Un nouveau né attaché par une jambe à un monstrueux boulet qui semble destiné à écraser son petit crâne chauve : l’hebdomadaire The Economist n’a pas fait dans la nuance pour illustrer sa couverture du 13 juin dernier, titrée : « Dette : la note la plus lourde de l’histoire ». Les données publiées par les économistes du Fonds monétaire international (à qui il est arrivé de se tromper…) suggèrent en effet que, dans les dix pays les plus riches, la dette qui représentait 78 % du PIB en 2007 atteindra 114 % du PIB en 2014. Elle correspondra alors à 50 000 dollars par citoyen. Dimanche 21 juin, le ministre français du budget a prévenu de son côté que le déficit public de son pays atteindrait « entre 7 % et 7,5 % du PIB » en 2009 et que « nous serons probablement au même niveau en 2010. »
Des avertissements de cette ampleur ont évidemment pour objectif premier d’informer. Mais plus sûrement encore de commencer à faire retentir une petite alarme pour préparer les esprits à de prochaines réductions des dépenses publiques. (1) D’autres réponses existent, bien entendu, au nombre desquelles un relèvement des impôts, et en particulier l’impôt sur le revenu, de plus en plus léger, qu’acquittent les revenus les plus élevés.
Au lieu d’envisager cette solution, les mêmes sirènes poussent déjà le volume, sur le ton du « on vous l’avait bien dit ! », pour nous annoncer d’où viendra la punition pour ces plans de relance fastueux : les taux d’intérêts vont grimper, d’abord sur les dettes publiques, puis sur les dettes des entreprises, par l’effet de la concurrence que les emprunts publics feront aux besoins d’emprunt du secteur privé. Le Financial Times a la gentillesse de nous prévenir : « Les investisseurs craignent de plus en plus que l’augmentation des taux d’intérêts sur les bonds du Trésor [à dix ans], causée par les montants considérables d’émissions prévus cette année, viennent entraver une reprise économique hésitante, en poussant à la hausse les coûts des crédits et des prêts aux entreprises. » (2) C’est la vielle thèse de l’éviction de l’investissement privé par les dépenses publiques (financées par l’emprunt), lesquelles, en siphonnant l’épargne privée, feraient monter le coût des prêts et déprimeraient l’investissement privé (bon par nature).
Le moment est peut-être bien choisi pour dispenser un petit cours d’économie financière consistant à rappeler (soyons optimiste) que le niveau des taux d’intérêt sur les dettes à long terme, publiques comme privées, ont vraiment peu de choses à voir avec le flux d’épargne que les agents économiques parviennent à dégager sur une période donnée. Le marché des prêts n’est pas un marché de « flux », où l’offre d’épargne dégagée sur les revenus du deuxième trimestre 2009 rencontrerait la demande d’emprunt (pour investir) du même trimestre… avec le taux d’intérêt au milieu, lequel s’ajusterait, tel le fléau de la balance, jusqu’à ce que ces deux quantités (des flux en réalité) soient égales. Si l’on saisit cela, on n’a plus trop de mal à s’expliquer – comme cela s’est produit ces derniers mois – que le redressement des taux d’épargne des ménages, d’un côté, et le creusement des déficits publics, de l’autre, puissent aussi bien aller de pair avec une baisse des taux d’intérêts sur la dette publique qu’avec une hausse (3).
Pour y comprendre quelque chose, il faut distinguer l’épargne « courante », d’une part, et l’ensemble du stock de « patrimoine financier » accumulé par les agents économiques depuis qu’ils épargnent, d’autre part (ce patrimoine accumulé est malheureusement aussi appelé épargne : il est constitué de tous les avoirs liquides de ces agents, ainsi que de leurs actions, obligations, créances diverses, bref, de tout ce qui fait leur fortune financière).
L’épargne courante est par définition la partie de notre revenu (que l’on soit un ménage, une entreprise, un pays...) que l’on ne dépense pas en consommation, sur un période donnée. En tant que telle, l’épargne courante est bien un poison (pour les keynésiens) puisque c’est tout simplement « un trou » dans la demande globale susceptible d’empêcher l’écoulement de toute la production ayant engendré les revenus (dont une partie est précisément épargnée...). Le circuit ne se boucle pas... Du fait de l’épargne, les entreprises feraient constamment des pertes si cette non dépense n’était pas compensée par une dépense provenant d’une autre source : les dépenses d’investissement. Quand les choses vont à peu près bien, l’investissement compense plus ou moins l’épargne, comblant en partie le « trou » dans la demande globale – rarement, toutefois, au point d’assurer des débouchés suffisants pour garantir le plein-emploi.
Mais lorsque l’épargne courante augmente subitement, comme c’est le cas actuellement au Royaume-Uni et aux Etats-Unis (4), la seule conséquence immédiate est de déprimer la demande. Il n’y a pas de raison, en effet, que ce « trou » dans la demande encourage comme par enchantement l’investissement : ce n’est pas au moment où les entreprises voient les dépenses de consommation baisser qu’elles se disent que c’est le bon moment pour investir, même si l’épargne est abondante ! Pour les keynésiens, la logique de la dépression est exactement là : lorsque l’épargne augmente, cela n’enclenche pas une autocorrection par la reprise des dépenses d’investissement. L’investissement risque même de se mettre à baisser du fait de la baisse des carnets de commande...
Que devient alors cette épargne courante (ce flux d’épargne dégagé sur le revenu courant) ? Disons que ce flux « tombe » dans le stock du patrimoine financier des agents. Il vient rejoindre l’épargne accumulée depuis des lustres par les agents économiques (c’est le petit filet d’eau qui coule dans une baignoire déjà bien remplie). Il rejoint ce stock et il s’y mélange totalement. La question ne se pose pas à son sujet de savoir si les 100 euros que j’ai épargnés sur mon revenu du mois dernier je vais les prêter à l’Etat (qui en a justement besoin en ce moment) ou en faire autre chose. Ces 100 euros tombent dans mon portefeuille financier et viennent grossir ma fortune qui passe par exemple à 100 euros. Et – c’est là qu’il ne faut pas rater la marche – c’est à propos de l’ensemble de cette fortune accumulée que je me demande sous quelle forme je désire la détenir. Chaque jour qui passe, je peux remettre en cause la totalité des choix de placement que j’ai effectué par le passé.
Supposons que j’ai gardé 30 000 euros sous forme d’argent liquide (sur des comptes en banque) et 70 000 sous forme de prêts à l’Etat (je détiens donc des obligations de la dette publique). Maintenant j’ai 30 100 d’argent liquide et 70 000 d’obligations. Mais je peux décider ce soir même que dorénavant je vais répartir autrement ma fortune : je ne veux plus, par exemple, détenir que 10 000 en obligations et 90 100 en argent liquide ! J’irai donc vendre mes obligations en bourse, contre de l’argent (à des épargnants qui vont se faire prier pour faire la route dans l’autre sens)… ce qui fera baisser le cours de ces obligations, et donc monter le taux d’intérêt de la dette publique : puisque le taux d’intérêt est le montant des intérêts annuels payés par l’Etat, définis dans le contrat au départ, divisé par le cours de l’obligation, lequel varie au jour le jour sur le marché d’occasion.
Autrement dit, et pour résumer, je peux très bien constituer 100 euros d’épargne supplémentaire, et dans le même temps devenir très réticent à placer une part importante de ma fortune (sans commune mesure avec ces 100 euros) dans les titres de la dette publique. Mon épargne s’accroît, mais ma préférence pour la liquidité (billets de banque, avoirs en comptes courant, comptes sur livrets) augmente aussi dans le même temps (la mienne ou celle de tous mes concitoyens). Dans ce cas, les deux fléaux de l’épargne se cumulent. L’augmentation de l’épargne courante déprime la demande globale, et l’augmentation de la préférence pour la liquidité (qui s’exprime au niveau du choix de placement de tout le stock d’épargne) fait augmenter les taux d’intérêts à long terme.
Durant les premiers mois de la crise, c’est plutôt l’inverse qui s’est passé. Dans la panique financière, les épargnants ont eu tendance à préférer détenir des titres de la dette publique (jugés comme des placements assez sûrs) pour placer leur fortune, plutôt que des actions ou autre chose. Mais depuis quelques mois, ils s’inquiètent des énormes plans de relance (coordonnés) qui font que tous les Etats demandent des liquidités en même temps aux prêteurs (les épargnants). Même si ce stock de liquidité est énorme, il se peut que les épargnants soient de plus en plus réticents à vouloir l’échanger contre des obligations : ils estiment maintenant que le risque de défaut de paiement des Etats s’accroît (puisque leur dette explose). Il n’est donc pas du tout improbable de voir simultanément augmenter l’épargne courante (dans le cas présent : le taux d’épargne des ménages) et les taux d’intérêts de la dette publique.
Il faut le souligner, cette tension sur les taux d’intérêt – qui pourrait se transformer en un véritable crash obligataire – ne provient donc pas d’un manque de liquidités au départ. Elle provient uniquement des craintes, qu’elles soient fondées ou non (c’est bien le plus grave), de la part des prêteurs, au sujet de la capacité de remboursement des Etats. Mais ces craintes entraînent un désir de rester liquide (ou de fuir vers d’autres formules de placement) qui font monter les taux. Une manière d’y répondre est de fournir aux prêteurs les liquidités qu’ils demandent, au moyen de rachats directs de leurs obligations par la Banque centrale. C’est ce qu’ont prévu de faire la Réserve fédérale américaine et la Banque d’Angleterre, mais c’est ce qui est interdit à la Banque centrale européenne, en vertu de l’article 123 du traité de Lisbonne (5).
Pour être complet, et pour corser encore un peu cette leçon de macroéconomie, il faudrait ajouter qu’il n’est même pas évident que lorsque les ménages augmentent leur épargne courante de 100 euros, l’épargne totale de la société augmente de 100 euros. Cette épargne des ménages est en effet un manque à gagner pour les entreprises, qui comptaient sur 100 euros de recettes supplémentaires pour boucler leurs comptes... et qui ne les ont pas vus revenir dans leurs ventes. Du côté des entreprises, l’épargne (le profit) baisse donc de 100 euros. L’épargne courante des ménages finance dans ce cas les manques à gagner des entreprises qu’elle a créés !
Au total, le redressement de l’épargne courante est peu de chose pour le besoin de financement des dettes publiques... lequel doit s’affronter au désir des agents de prêter ou non une partie de toute leur fortune à l’Etat. Et pour l’heure, les deux fléaux de l’épargne se prêtent main forte : en déprimant la consommation et en faisant peser le risque énorme d’une envolée des taux d’intérêts.
(1) L’Administration Obama est déjà en train de revenir sur son ambitieux projet d’étendre la couverture maladie aux 47 millions d’américains qui en sont aujourd’hui dépourvus, ceci parce qu’une réforme « qui accroîtrait le déficit du programme de santé public n’est ni souhaitable ni faisable. » Voir : « US health reforms focus on cost control », Financial Times, 22 mai 2009.
(2) « Surge in US bond yields sparks concern », Financial Times, 11 juin 2009.
(3) Le rendement des bons du Trésor américains pour des prêts à 10 ans est passé de 4 % en novembre 2008, à 2 % en décembre, pour remonter à 4 % le 18 juin 2009.
(4) Le taux d’épargne des ménages américains est passé subitement de 4,5 % à 5,7 % de leur revenu disponible, entre mars et avril 2009. Celui des Britanniques, qui était de 1,7 % au troisième trimestre 2008 a bondi à 4,8 % le trimestre suivant.
(5) Même s’il est vrai que la profondeur de la crise fragilise chaque jour un peu plus les vieux principes orthodoxes. Lire Frédéric Lordon : « Fin de la mondialisation, commencement de l’Europe ? », Le Monde Diplomatique, juin 2009.
Enfin, la représentation nationale se mobilise contre... la burqa
dimanche 21 juin 2009, par Alain Gresh
Le pays est entré dans sa plus grave récession depuis la seconde guerre mondiale. Les chômeurs, en nombre croissant, submergent le Pôle emploi dont les moyens ont été réduits. Les électeurs ont massivement déserté les élections européennes et exprimé leur défiance à l’égard des politiques incapables de répondre à leurs attentes. Sensible à toutes ces critiques, les députés ont décidé de réagir et, dans un sursaut d’unité nationale, sous la houlette du communiste André Gérin, ont décidé de répondre à l’appel du pays : 58 d’entre eux, en grande majorité de droite, ont décidé d’appeler à la création d’une commission d'enquête sur le défi majeur de notre époque : le port de la burqa en France (c’est la seconde commission créée par le parlement depuis l’élection de 2007, la première l’ayant été sur les conditions de la libération des infirmières bulgares détenues par la Libye).
« Un député veut lever le voile sur la burqa », par Catherine Coroller (Libération, 19 juin) :
« Pour André Gerin, il y a péril. “On voit le problème augmenter de façon exponentielle depuis plusieurs années. Sur la voie publique, sur les marchés. Toutes les semaines on a des remontées des services nous signalant qu’une femme a refusé de se dévoiler pour la photo sur sa carte d’identité, lors d’un mariage… J’ai les mêmes échos de la région parisienne, de Lille et même de zones rurales”, précise le député-maire.
Au ministère de l’Intérieur, un spécialiste du dossier confirme le phénomène en le relativisant : “Le port du voile intégral progresse et s’étend au-delà des petits noyaux d’origine, mais n’est pas pour autant en grande expansion.” Selon lui, les femmes – souvent des converties – décideraient volontairement de porter la burqa ou le niqab sous l’influence des sites Internet salafistes, ces fondamentalistes se réclamant de l’islam des origines. Jugeant la laïcité “menacée”, André Gerin propose la création d’une commission d’enquête parlementaire qui “aura pour mission de dresser un état des lieux et de définir des préconisations afin de mettre un terme à cette dérive communautariste”. Ces préconisations pourront prendre la forme d’une loi, “mais je ne veux pas tirer des conclusions a priori, précise le député. Il faut ouvrir un débat, y compris avec les musulmans, et voir ensemble à quelles conclusions on arrive”. »
Le 17 juillet 2008, je remarquais déjà, à propos d’une énième polémique sur la burqa : « La seule chose dont on est certain est que ce n’est pas la dernière. Mais je ne peux m’empêcher de noter cette phrase dans Libération des 12 et 13 juillet : « Y a-t-il davantage de frictions entre la laïcité et l’islam ? Difficile à dire, le moindre incident concernant des musulmans étant systématiquement monté en épingle. » La journaliste écrit ces quelques lignes dans un numéro dont le gros titre de Une est : « La France ou la burqa » ; et n’est-ce pas Libération qui a révélé le fameux arrêté concernant le mariage annulé et la virginité, et qui en a également fait sa Une ? ».
Dans un éditorial du Figaro du 19 juin, publié à côté du texte de l’inénarrable Yvan Rioufol (« Les silences de Barack Hussein – au cas où on aurait oublié son prénom – Obama »), Yves Thréard (« Pour que la France ne se voile pas la face ») écrit :
« La France a changé depuis l’affaire dite du foulard à l’école et la loi de 2004 qu’elle a inspirée. D’abord, le simple foulard posé sur les cheveux s’est, çà et là dans les quartiers, transformé en voile intégral couvrant l’ensemble du visage, à l’exception des yeux. Ensuite, ses adeptes ne sont plus seulement des ressortissantes étrangères, mais, pour la plupart, des Françaises, nées et élevées ici.
Si le constat va de soi, faut-il se résigner à l’accepter par fatalité, comme si tel devait être le cours de l’histoire ? À le relativiser, sans prévoir que le phénomène prendra nécessairement de l’ampleur ? Ou encore à l’ignorer poliment, pour ne pas jeter d’huile sur le feu en rallumant une de ces guerres dont la France a le secret ? ».
Marianne, fidèle à ses habitudes, annonce la défaite de la laïcité (« La loi sur la burqa ou la défaite de la laïcité », Bénédicte Charles, 18 juin).
« Le débat n’est donc pas de savoir si la burqa se développe en France : 24 heures après la dépêche de l’AFP, personne ou presque ne le nie plus. La polémique porte dorénavant sur la nécessité, ou non, d’interdire ce « vêtement » dégradant. Cinq ans après la loi sur le voile à l’école, voilà où nous en sommes : déterminer si le port de la burqa à l’Afghane ou du niqab à l’Iranienne relève ou non de la simple liberté individuelle. Finalement, la laïcité est peut-être en train de perdre définitivement la partie. »
Cette polémique est un feu de paille, elle ne durera peut-être pas, mais on peut être sûr qu’elle ressurgira d’ici un mois, deux mois ou plus... Comme les Une des hebdomadaires sur l’immobilier ou sur le classement des hôpitaux (des écoles, des villes, etc.), l’islam fait partie désormais de ces « marronniers » qui reviennent régulièrement et qui ont l’avantage de remplir du papier sans demander beaucoup de travail. Nombre d’intellectuels éminents sont déjà prêts à fournir à la presse les points de vue et les libres opinions qui appellent à la résistance contre le fascisme islamique. En ce jour de célébration de l’appel du général de Gaulle, quelqu’un se fendra peut-être d’un nouvel appel à la résistance...
Sans oublier, bien sûr, les femmes afghanes… Comme l’explique le député Pierre Lellouche, représentant spécial de Nicolas Sarkozy pour l’Afghanistan, qui justifie l’intervention croissante de la France dans ce pays : « Si je me bats au quotidien pour le droit des femmes en Afghanistan, vous comprendrez bien que je souhaiterais que toutes les femmes en France aient droit à leur corps et à leur personne. »
Au début des années 1980, les milices de Rifaat El-Assad, le frère du président syrien, dévoilaient les femmes dans les rues de Damas. Pourquoi ne pas créer de telles milices en France dont la tâche, en plus du dévoilement des femmes musulmanes pourrait être :
d’arracher les perruques des femmes juives traditionalistes que les maris obligent à se raser la tête ;
d’arracher les tenues des bonnes soeurs qui osent se promener en habit traditionnel (rappelons-nous cette défaite de la laïcité, quand la presse française interviewait soeur Emmanuelle portant un foulard...) ;
enfin, de vérifier que la longueur des jupes des jeunes filles de toutes confessions est conforme à l’idée que nous, les hommes, nous nous faisons du droit des femmes à leur corps...
Mise à jour du 22 juin
Le président a parlé. Devant les membres du parlement et du Sénat réunis en Congrès à Versailles, Nicolas Sarkozy a déjà tranché : « la burqa ne sera pas la bienvenue sur le territoire de la République ». « Le Parlement a choisi de se saisir de cette question, c’est la meilleure façon de procéder », a-t-il poursuivi sans relever la contradiction : pourquoi se saisir de cette question si la réponse est déjà donnée ? En réalité, ce « débat » va occuper le devant de la scène pendant des mois, et permettre de faire passer au second plan la crise et les préoccupations sociales. Qu’importe si le résultat, au bout du compte, est de diaboliser un peu plus les musulmans français et, ainsi, d’encourager un peu plus les extrémistes...
Un tournant de la crise iranienne
Le discours du guide de la Révolution, l’ayatollah Ali Khamenei, le 19 juin 2009, semble constituer un tournant de la crise. Les manifestations suscitées par les fraudes se sont poursuivies et le pays semble au bord d’affrontements sanglants. Garry Sick fait part, le jour même, de ses premières remarques sur le discours et sur l’absence remarquée de Rafsandjani. Juan Cole revient le 21 juin (« Mousavi Defies Khamenei ; police Attack Protesters at Inqilab Square ; Downtown Tehran Burning ») sur les événements de la nuit, les combats de rue et le rejet par Moussavi du discours de Khamenei. Et le candidat Moussavi a publié son communiqué n° 5, le 20 juin, dont on trouvera la traduction en anglais ici : « Mousavi’s statement number 5 to Iranian people ».
dimanche 21 juin 2009
Obama au Caire : le nouveau visage de l’impérialisme U.S.
Le discours du président U.S. Barack Obama au Caire le 4 juin dernier était farci de contradictions. Il s’est déclaré opposé a « l’assassinat d’hommes, de femmes et d’enfants innocents », mais a pris la défense des guerres menées en Irak et en Afghanistan, ou de celle conduite indirectement au Pakistan, tout en gardant le silence sur les derniers massacres de Palestiniens à Gaza par Israël.
Le 5 juin 2009
Ces guerres ont fait plus d’un million de morts en Irak, des centaines de milliers en Afghanistan, au Pakistan et dans les territoires palestiniens. Obama a déclaré soutenir la démocratie, les droits de l’Homme et même ceux des femmes, après deux journées d’entrevue avec le roi saoudien Abdullah et le président Hosni Moubarak, deux des tyrans les plus notoires du Proche Orient. Pas un mot dans son discours sur l’absence totale de droits démocratiques en Arabie Saoudite ou sur la répression que mène en ce moment la dictature militaire de Moubarak… Peu avant la visite du président à l’université d’Al-Azhar, la police secrète égyptienne a lancé un raid sur le campus et 200 étudiants étrangers ont été arrêtés. Avant de quitter le Moyen Orient, Obama chanta néanmoins les louanges de Moubarak, notre « allié inconditionnel ».
Se posant en avocat de la paix et de l’entente universelle, Obama se dispensa très diplomatiquement d’évoquer les ordres qu’il a lui-même donnés pour une intensification des hostilités en Afghanistan, avec notamment le déploiement de 17 000 soldats U.S. supplémentaires. Il a en outre tacitement avalisé la politique de son prédécesseur en Irak, en déclarant : « Je pense qu’au bout du compte, les Irakiens se sentent tout de même mieux sans la tyrannie de Saddam Hussein ». Il a aussi préféré éluder la question du retrait des forces U.S. et de sa date butoir signée par l’administration Bush pour décembre 2012, parlant seulement d’une promesse « de retirer toutes nos troupes d’Irak d’ici 2012 ».
Dans son discours, Obama réfute l’idée qu’on puisse taxer l’Amérique « d’empire égocentrique » – ce qu’elle est effectivement – ou que les USA cherchent à obtenir davantage de bases, davantage de territoires ou davantage d’accès aux ressources naturelles du monde musulman. La guerre en Afghanistan est selon lui « une guerre par nécessité », provoquée par les attaques terroristes du 11 septembre. L’administration Bush-Cheney tenait exactement le même argument à l’époque, passant sciemment à la trappe les véritables intérêts matériels en jeu. En réalité, la guerre en Afghanistan participe de la prétention impérialiste des Etats-Unis à contrôler totalement les principales réserves mondiales de gaz et de pétrole : le Golfe Persique et le Bassin de la Caspienne.
Bien sûr, on n’était plus du tout dans le même registre rhétorique. Fini l’artillerie lourde de Bush : « Vous êtes soit avec nous soit contre nous ! », Obama nous dit d’un ton rassurant « Nous sommes tous ensembles dans cette galère ! » Mais, comme l’ont noté pas mal de commentateurs (la New Republic comparait mot à mot ce discours à celui de Bush le 16 septembre 2006 aux Nations Unies), en coupant l’image et le son et en s’en tenant au texte et à la rhétorique générale du discours, on reste toujours dans la même veine que les discours de Bush, de Condolezza Rice ou d’autres représentants de l’administration précédente.
Le propos plus vague, plus fleuri, les références de pure forme à la culture islamique ou à l’égalité des droits des nations, tout ça n’est qu’une variante réajustée du langage dont on drape habituellement les politiques impérialistes américaines ; aucun changement substantiel. Obama n’a pas fait la moindre proposition pour que soient réparés les torts faits aux populations du Proche Orient, pour la bonne et simple raison que, fondamentalement, la source même de cette oppression est le système de pillage et de domination impérialiste du monde, dont l’impérialisme américain reste la pire expression.
Obama a certes fait une petite référence en passant au colonialisme et au rôle des Etats-Unis dans le renversement de gouvernements démocratiquement élus comme celui de Mossadegh en Iran, en 1953. Mais dans sa litanie sur les « sources de tension » dans la région, il s’en est tenu à la même liste que son prédécesseur, avec au premier plan « l’extrémisme violent » – substitut purement rhétorique pour remplacer le « terrorisme » de Bush.
Dans les médias américains, la réaction au discours d’Obama fut unanimement enthousiaste. A gauche, David Corn du magazine Mother Jones claironna que les plus grands atouts d’Obama étaient « sa trajectoire personnelle, son anti-Busherie, sa reconnaissance des erreurs de l’Amérique, enfin sa volonté de dire au moins les choses comme s’il voulait se poser en honnête courtier au Proche Orient ».
Dans le magazine belliciste de gauche New Republic, Michael Crowley écrivait : « Le voir déballer sa biographie, offrir une représentation si inhabituelle du monde, c’est apprécier tous les bénéfices que l’Amérique va pouvoir tirer de ce nouveau visage qu’elle présente d’elle au monde ».
Peut-être plus révélateur encore, ce commentaire de Max Boot, néo-conservateur et fervent défenseur de la guerre en Irak : « Il m’a semblé bien plus efficace pour faire valoir la cause de l’Amérique aux yeux du monde musulman. Pas le moindre doute : c’est un bien meilleur vendeur que son prédécesseur ».
Dans son discours au Caire, Obama jouait tout simplement le rôle pour lequel il a été engagé et promu par une portion décisive des élites américaines de la finance mais aussi de l’appareil militaire et des affaires étrangères, à savoir d’offrir un nouveau visage à l’impérialisme américain. Cela dénote un virage tactique, certes, mais non un changement de stratégie dans l’offensive de Washington pour sa domination du monde.
Il y a environ deux ans, l’ancien conseiller à la sécurité nationale U.S., Zbigniew Brzezinski, offrit publiquement son soutien à la candidature présidentielle de celui qui n’était encore qu’un obscur sénateur de l’Illinois, pariant sur le fait qu’un Afro-Américain héréditairement lié au monde musulman comme Obama, améliorerait certainement l’image des USA sur le plan international.
Brzezinski était le mentor des faucons de l’administration démocrate de Jimmy Carter. Il avait largement contribué à pénétrer les bouleversements politiques survenus en Afghanistan, dans le but de provoquer l’intervention soviétique afin d’attirer la bureaucratie de Moscou dans le piège d’un bourbier identique à celui du Vietnam. Son point de focale a toujours été ce qu’il appelle « le grand échiquier » d’Eurasie, et en particulier les riches champs pétroliers d’Asie Centrale, où la lutte d’influence fait désormais rage entre les USA, la Russie, la Chine et l’Iran.
Brzezinski déclarait dès août 2007 : Obama « reconnaît que le vrai défi c’est un nouveau visage, l’idée d’une nouvelle direction, d’une redéfinition du rôle des Etats-Unis dans le monde… Ici, Obama est incontestablement plus efficace et l’emporte haut la main. Il a le sens de ce qui est historiquement pertinent et de ce qu’on est réellement en droit d’attendre des Etats-Unis dans leur relation avec le reste du monde ».
Défenseur impitoyable des objectifs de l’impérialisme américain, Brzezinski avait averti les élites américaines au pouvoir, du danger de ce qu’il appelle le « réveil politique global ». Dans un commentaire qui a fait couler beaucoup d’encre, il expliqua au magazine allemand Der Spiegel, quelques mois à peine avant de soutenir Obama, que la grande majorité de l’humanité « trouvera bientôt intolérables les disparités béantes de la condition humaine. Cela pourrait bien être le danger collectif auquel nous serons confrontés au cours des prochaines décennies ».
Si l’on veut appeler les choses par leur nom, ce que les représentants les moins obtus de la classe dirigeante américaine redoutent réellement, c’est une révolution mondiale. C’est seulement pour empêcher un tel soulèvement social qu’ils ont jugé crucial d’installer Obama à la Maison Blanche. C’est aussi la raison de son pèlerinage au Caire.
Traduit de l’anglais par Dominique Arias pour Investig'Action
Source: World Socialist Web Site
Les AES sont verts... et pas seulement depuis le 7 juin au soir
Moraliser le capitalisme... Vaste programme !
Les AES, une fois de plus, ne seront pas chiches à donner un coup de main aux plus mal embouchés d'entre vous, à savoir ceux qui lisent entre les lignes des bavardages circonstanciés de l' "UMPS" et ont toujours à proximité de main un tonneau de goudron bien chaud et quelques sacs de plumes.
Pas de quartier pour les bavards elyséens et autres "FMIstes" ! DSK et Sarko, même combat ! Quand on a décidé d'y voir clair, mieux vaut avoir les bons outils. La loupe, le gourdin, le goudron et les plumes. Maintenant délectez vous. Pour agrandir les textes et faciliter votre lecture, double-cliquez sur les images des textes.
mardi 16 juin 2009
La crise, analyser et comprendre
Pour en savoir plus sur Sarko et les médias,
Cliquez sur le lien du reportage de la TSR. Vous ne pourrez jamais voir cela en France et cela vaut son pesant de cacahuètes.
Prenez trente minutes et vous allez comprendre.
vendredi 12 juin 2009
Ils sont tous devenus verts! ... les extra-terrestres attaquent
Plus vert que Sarko, tu meurs ! Que reste t'il du Grenelle et quelles en sont les décisions dignes de l'urgence et des enjeux ?
Pour se faire une idée précise de la gravité des périls écologiques et des réelles hypothèses de travail qui permettraient de limiter les dégâts, n'écoutons pas ce ramassis de "clowns verdâtres".
L'issue est ailleurs et dirigeons nous, entre autre, vers le site du Monde Diplomatique (voir nos liens).
Portez un regard appuyé sur l''Atlas de l'environnement du Monde diplomatique" publié chez Armand Colin. Des extraits au format .pdf sont disponibles en ligne.
D'anciens numéros peuvent aussi nous aider.
- le n°du mois d'Avril 2009, avec un article intitulé "Quand le Brésil joue le pétrole vert contre la réforme agraire".
(Nous allons mettre en ligne sur le blog un de ces articles.)
N'oubliez pas le site du "Contre Grenelle" et ses interventions écoutables en ligne (voir nos liens ECOLOGIE).
jeudi 11 juin 2009
"Le passé ne reviendra pas" par Hervé Kempf
Attention, le discours qui suit est radicalement contraire au discours dominant. Respirez…
Trois idées :
La crise économique est une bonne nouvelle. Imaginez ce qui serait arrivé si le produit intérieur brut (PIB) de la Chine avait continué à croître de 10 % l’an, celui des Etats-Unis de 5 %, celui de l’Europe de 2,5 %. Les émissions de gaz à effet de serre auraient rapidement atteint le seuil faisant basculer dans l’irréparable le changement climatique ; l’effondrement de la biodiversité se serait accéléré, précipitant la société humaine dans un chaos indescriptible. En stoppant cette croissance folle du PIB mondial, la « crise économique » permet d’atténuer les assauts de l’humanité sur la biosphère, de gagner du temps et de réfléchir à notre réorientation.
La crise, sinon son moment, était prévisible pour les États-Unis mais aussi pour la Chine. L’auteur de ces lignes écrivait en 2006 : « Nous sommes entrés dans un état de crise écologique durable et planétaire. Elle devrait se traduire par un ébranlement prochain du système économique mondial. Les amorces possibles pourraient s’allumer dans l’économie arrivant à la saturation et se heurtant aux limites de la biosphère : un arrêt de la croissance de l’économie américaine, minée par ses trois déficits géants, de la balance commerciale, du budget, de l’endettement interne. Comme un toxicomane qui ne tient debout qu’à coups de doses répétées, les États-Unis, drogués de surconsommation, titubent avant l’affaissement ; un fort freinage de la croissance chinoise, sachant qu’il est impossible qu’elle tienne durablement un rythme de croissance annuel très élevé. Depuis 1978, la Chine a connu une croissance annuelle de son économie de 9,4 %. Le Japon est un précédent à ne pas oublier : vingt ans de croissance stupéfiante, puis l’entrée en stagnation durable au début des années 1990. » Veuillez pardonner ce rappel. Il ne vise qu’à asseoir le pronostic que voici : l’économie mondiale ne « repartira » pas comme avant, la croissance mondiale du PIB ne reviendra pas à 5 %, l’expansion très rapide de la Chine et de l’Inde est finie. Il nous faut dessiner un monde nouveau, une autre économie, une autre société, inspirés par l’écologie, la justice et le souci du bien commun.
Que faire ? Arrêter de singer Keynes et de se croire en 1929 quand on est en 2009 : la dépense, l’endettement, l’inflation, ne sont pas la solution. Replâtrer l’édifice ne réparera pas des fondations ruinées. Il importe au contraire d’opérer une redistribution de la richesse collective en direction des pauvres ; l’outil pourrait en être le revenu maximal admissible (RMA). La réduction de l’inégalité aidera aussi à changer le modèle culturel de surconsommation, et rendra supportables les baisses nécessaires et inéluctables de la consommation matérielle et de la consommation d’énergie dans les pays riches. Autre exigence : orienter l’activité humaine vers les domaines à faible impact écologique, mais créateurs d’emploi, et où les besoins sont immenses : santé, éducation, culture, énergie économe, agriculture, transports collectifs, nature.
Facile ? Non. Mais plus réaliste que de croire possible le retour à l’ordre ancien, celui d’avant 2007.
Un "CAPITALISME VERT" est-il possible ?
Depuis que la crise financière de l’automne dernier a éclaté et que, à sa faveur, les irresponsables qui nous gouvernent, leurs mentors capitalistes eux-mêmes et tous les thuriféraires qui servent ordinairement de claque aux uns aussi bien qu’aux autres ont tous été brutalement ramenés sur terre pour y (re)prendre conscience de l’ampleur de la crise structurelle dans laquelle le capitalisme se débat depuis plus de trois décennies maintenant, les propositions les plus diverses se multiplient pour « refonder » ce dernier, c’est-à-dire lui offrir une nième planche de salut. Parmi elles en figure une qui est sans doute promise à un bel avenir : celui d’un « capitalisme vert », non seulement repeint aux couleurs de l’écologie mais encore réorienté et réorganisé de manière à faire face à une crise écologique qui ne cesse de s’aggraver et qui n’est jamais, d’ailleurs, qu’une dimension de la crise structurelle précédemment évoquée.
Cette proposition reprend à son compte des réflexions et incitations déjà plus anciennes, remontant aux années 1970 (les travaux du Club de Rome) et aux années 1980 (le rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement dirigée par Gro Harlem Brutland, qui a popularisé la notion de « développement durable » ou « développement soutenable »1. Elle répond aussi à une demande croissante de prise en compte de la nécessité de faire face aux aspects les urgents et les plus graves de la crise écologique de la part d’une partie de l’opinion publique des formations capitalistes centrales, que l’émergence de partis écologistes y exprime et y renforce à la fois. Elle peut s’appuyer encore sur le développement, en rapport avec la demande précédente, du marché des « produits verts » mais aussi de procédés de production industriels à la fois plus économes en énergie et plus « respectueux de l’environnement » au niveau des déchets qu’ils génèrent. Elle relaie la prise en compte, de plus en plus fréquente, de normes écologiques ou de leur renforcement dans la mesure de la valeur des entreprises et de leur prix lors de fusions ou d’acquisition. Elle procède enfin de la volonté de systématiser les actions publiques déjà entreprises, tant au niveau mondial qu’aux niveaux national et local, destinées là encore à prendre en compte tant le renforcement d’une sensibilité écologiste au sein des populations que l’aggravation objective de quelques-uns des aspects de la crise écologique, dont l’épuisement des certaines ressources naturelles et le réchauffement climatique sont les plus manifestes.
Quelle est la portée de cette proposition ? Un « capitalisme vert » est-il possible ? Ecologie et capitalisme sont-ils compatibles ? Bien plus, la prise en compte des nécessités écologiques serait-elle en mesure de renouveler le capitalisme, de lui donner une nouvelle vie et une nouvelle impulsion ? Autrement dit, après avoir depuis plus de deux siècles, depuis ce qu’on nomme ordinairement la « révolution industrielle », assuré sa reproduction en dégradant, détruisant, ravageant même quelquefois la nature, le capitalisme peut-il s’assurer un avenir en la reconstruisant ? Telle est la problématique de cet article.
Il ne fait aucun doute que la valorisation de capitaux (industriels ou commerciaux) est parfaitement compatible avec des normes écologiques renforcées, sur la base de procès de travail « respectueux de l’environnement ». Autrement dit, des travaux écologiquement soutenables ne sont pas moins aptes par principe à valoriser du capital que des travaux écologiquement catastrophiques. En effet, pour que des capitaux puissent se valoriser, il suffit, au moins immédiatement, qu’ils satisfassent aux deux seules conditions suivantes : d’une part celle de mettre en oeuvre du travail socialement nécessaire, d’autre part celle d’incorporer une part de surtravail au sein de ce dernier (que le travail vivant excède ce qui est nécessaire à la reproduction de la force de travail). La nature du travail ainsi mobilisé est, quant à elle, totalement indifférente au capital et à sa valorisation, puisque cette dernière repose tout entière sur le procès de transformation de procès de travail concrets, particuliers, par définition très diversifiés, en un même travail abstrait, général, correspondant à une simple dépense de force humaine de travail
Marx avait eu l’occasion de souligner cette parfaite indifférence du capital à la nature des travaux qui le valorise, dans sa discussion des concepts de travail productif et de travail improductif. Il a été ainsi amené à écrire : « que celui-ci [le capitaliste] ait placé son capital dans une fabrique de leçons [une école privée] au lieu de le placer dans une fabrique de saucissons, c’est son affaire. »2 Ou encore : « Un comédien, un clown même, est par conséquent un travailleur productif [i.e. un travailleur producteur de plus-value], du moment qu’il travaille au service d’un capitaliste (de l’entrepreneur), à qui il rend plus de travail qu’il n’en reçoit sous forme de salaire (…) »3.
Cette idée ne manquera pas cependant de se heurter à l’objection courante suivante. Intégrer des normes et exigences écologiques dans les procès de travail sur la base desquels le capital se valorise tend à renchérir le coût de production des marchandises et, par conséquent, pour un prix de production et un prix de marché donné de ces dernières, à limiter d’autant la valorisation des capitaux qui se livrent à cette opération, à réduire leur taux de profit en deçà du taux moyen. Telle serait la principale raison des freins apposés à l’intégration de normes écologiques dans la production capitaliste. Bien plus, la concurrence intercapitaliste, incitant les capitalistes à diminuer le coût de production des marchandises par l’intermédiaire desquelles se valorise leur capital, n’est-elle pas précisément responsable d’un « dumping écologique » permanent qui fait que le ou les capitalistes les moins regardants sur les conséquences écologiques de leur activité s’assureront toujours un avantage concurrentiel sur ceux de leurs confrères et concurrents qui ne veulent pas ou tout simplement ne peuvent pas les suivre dans cette course au « moins disant écologique » ? Le processus est en tout point analogue au « dumping social », à la pression à la baisse du coût salarial, des salaires directs et indirects, partant des normes d’emploi, de travail et de rémunération des salariés, qui, là encore, assure un avantage concurrentiel aux capitalistes qui le pratiquent.
L’objection est recevable mais sa portée est limitée. Y répondre exige de préciser la notion de travail socialement nécessaire précédemment introduite. En effet, la concurrence intercapitaliste ne peut jouer que dans le cadre (normatif) et les limites (spatiales et temporelles) de ce qu’est concrètement le travail socialement nécessaire que les capitaux singuliers doivent précisément mettre en œuvre pour se valoriser. Or, un travail déterminé n’est socialement nécessaire que pour autant qu’il remplisse deux conditions. D’une part, il doit répondre à un besoin social, qualitativement aussi bien que quantitativement déterminé par un certain nombre de pratiques, de normes, de valeurs, etc., résultats tant de l’héritage civilisationnel que des rapports de force (économiques, politiques et idéologiques) entre les différentes classes sociales ; car ces rapports jouent un rôle essentiel dans la constitution du système social des besoins, dans la prévalence ou la primauté accordées à certains de ces besoins par rapport à d’autres, partant dans les pratiques et normes de la consommation individuelle aussi bien que collective, etc., tout comme bien évidemment dans la répartition de la richesse sociale (donc le montant des revenus) des différentes classes, fractions, couches et catégories. D’autre part, pour être socialement nécessaire, un travail productif doit encore répondre à un besoin social en mettant en œuvre les forces productives disponibles (les moyens de production, les forces de travail et leur combinaison) selon les normes productives en vigueur dans la société en général tout comme dans l’espace-temps de socialisation de ce travail en particulier (dans la branche de la division du travail qui est la sienne, sur le territoire sur lequel il opère, dans les groupes sociaux qu’ils mobilisent, à la période historique considérée, etc.), de manière à ce que sa durée, son intensité, sa productivité tout comme la qualité de son produit se situent en définitive dans la moyenne de ce qui s’obtient au sein de cet espace-temps de socialisation.
Ce qui revient à dire que, pour que des « capitaux verts » puissent voir le jour, il faut et il suffit que les normes définissant ce qu’est un travail socialement nécessaire, tant au niveau du procès de production (dans l’usage des forces productives) qu’au niveau du procès de consommation (tel qu’il est régi par le système social des besoins), intègre des exigences écologiques. L’intégration de telles exigences peut résulter de processus divers : par exemple, de l’émergence et du renforcement d’une demande de « produits verts » (par exemple de légumes sans nitrate et de fruits sans pesticide), de la diffusion d’innovations techniques ou de procédés de production rendant les procès de travail plus performants sur le double plan économique et écologique (par exemple la cogénération d’électricité et de chaleur), de l’adoption de réglementations d’ordre public introduisant ou renforçant des normes écologiques en matière de production (par exemple en termes d’économie d’énergie) ou de consommation (par exemple en termes de recyclage des produits usagés et des déchets), tel que le « Grenelle de l’environnement », etc. Dès lors, la concurrence intercapitaliste ne peut plus fonctionner comme un obstacle au développement de « capitaux verts » ; tout au plus peut-elle servir de prétexte aux capitaux les moins bien placés dans cette concurrence ou au contraire les mieux placés (ceux en situation d’oligopole) pour freiner l’introduction de normes et d’exigences écologique et retarder le passage d’un régime du travail socialement nécessaire à un autre. Dans l’industrie automobile, cela a été le cas hier à propos de l’adoption du pot catalytique, comme c’est le cas aujourd’hui à propos de la mise au point de moteurs moins gourmands en énergie ou même d’alternatives au moteur à essence.
C’est précisément parce que, sous la pression de l’aggravation de la crise écologique, les normes sociales de production et de consommation sont en train de changer, sous l’effet d’une transformation de la demande sociale ou de l’adoption de nouvelles réglementations publiques contraignantes ou plus contraignantes en la matière, que des « capitaux verts » se sont développés au cours de ces dernières années et seront appelés à se développer de plus en plus au cours des prochaines années. Autrement dit, le capitalisme est déjà en train de se ‘mettre au vert’ ! Les principaux secteurs qui constituent des terres de mission pour les « capitaux verts » et vont leur offrir les plus belles opportunités de valorisation sont l’agriculture (avec notamment la production de biocarburants), le bâtiment (dont la rénovation doit viser à améliorer le bilan énergétique), la production d’énergie (avec le développement des énergies renouvelables), les transports (lui aussi particulièrement gourmant en énergie, l’enjeu étant de faire régresser la part de la voiture individuelle au profit de celle du tram et du train, de manière à réduire l’émission de gaz à effet de serre), enfin le recyclage des produits en fin de vie, secteur d’ores et déjà investis par de très grands groupes financiers tels que Véolia (ex Vivendi, ex Générale des Eaux), Suez Environnement (qui a absorbé l’ex Lyonnaise des Eaux,) Bouygues, etc.
Les considérations précédentes n’épuisent pourtant pas, de loin, la problématique initiale. Un exemple nous le fera comprendre, celui des agrocarburants.
Différentes raisons expliquent le récent développement de ces derniers. Si certaines relèvent de la pure logique capitaliste classique de mise en valeur de la terre et du travail agricole, d’autres sont sinon déterminées par des considérations écologistes du moins susceptibles d’entrer dans la gamme des mesures tenant compte d’un certain nombre d’impératifs écologiques, dont notamment l’épuisement progressif des réserves d’hydrocarbures et la nécessité de lutter contre le rejet dans l’atmosphère de gaz carbone (CO2), principal responsable de l’aggravation de l’effet de serre. Sous ce double rapport, les exploitations agricoles productrices de biocarburants (colza, canne à sucre, etc.) sont des exemples de « capitaux verts » au sens précédemment entendu. Or différentes études ont mis en évidence l’étroitesse d’un tel jugement et, plus largement, de la perspective qui le sous-tend4. Elles conduisent en effet à souligner que, d’un strict point de vue écologique, le bilan du développement de ces agrocarburants est non seulement négatif mais franchement catastrophique : il implique un usage intensif d’engrais responsables d’émanation de protoxyde d’azote (ou oxyde nitreux, N2O) dont l’effet de serre est près de 300 fois plus important que celui du gaz carbone, il s’effectue souvent au prix d’une déforestation dont le bilan est négatif tant sous l’angle de la lutte contre l’effet de serre que sous celui de la préservation de la biodiversité, celle-ci est de surcroît menacée par l’extension de la monoculture qu’implique la culture des agrocarburants, les plants utilisés dégradent rapidement les sols. A quoi s’ajoutent d’autres effets tout aussi désastreux qui, pour excéder le cercle des considérations strictement écologiques, ne peuvent laisser indifférents des écologistes : les terres utilisées à fin de producteurs d’agrocarburants limitent d’autant celles disponibles pour la production de céréales alimentaires et pour l’agriculture vivrière, fragilisant ainsi la sécurité alimentaire des populations, le bilan des créations et des destructions d’emplois entraînées par le développement de cette monoculture intensive est négatif, favorisant ainsi l’exode rural, les champs de « pétrole vert » sont souvent des zones de non respect des droits sociaux et des droits de l’homme plus généralement, etc. Et le tout finalement pour permettre la poursuite de cette folie écologique et sociale qu’est la circulation des dizaines de millions de véhicules automobiles qui obstrue et pollue les espaces urbains et défigure les paysages ruraux.
On pourrait multiplier les exemples de semblables effets pervers de capitaux apparemment « verts » par leurs produits mais dont les procédés de production et les implications générales, tant sociales que proprement écologiques, ont de quoi de faire verdir de rage des écologistes conséquents. Ainsi rien n’est plus propre en apparence que la production d’électricité nucléaire5 aux risques près, qui sont énormes, que les centrales nucléaires font courir aux populations environnantes (les environs se mesurent en l’occurrence en milliers de kilomètres : cf. Tchernobyl) et que l’entreposage ou l’enfouissement des déchets nucléaires font courir à l’humanité entière jusqu’à la fin de ses jours ! Qui ne peut se féliciter du développement de la production de l’énergie électrique d’origine photovoltaïque… avant d’apprendre que les panneaux producteurs de cette dernière contiennent du trifluorure d’azote (NF3) dont l’effet de serre est 17 000 fois plus important que celui du gaz carbonique et dont la durée de vie dans l’atmosphère est cinq fois plus longue que celle de ce dernier et qui, curieusement, ne fait pourtant pas partie des gaz à effet de serre visés par le protocole de Kyoto6 ? Qu’adviendra-t-il de ce gaz lorsqu’il s’agira de recycler ces panneaux ?
Les exemples précédents nous montrent qu’on ne peut examiner notre problématique en en restant au seul niveau des capitaux singuliers, dont certains effets écologiquement souhaitables sont contrebalancées par d’autres écologiquement désastreux, sans qu’il soit possible de tirer une conclusion claire de la multiplication de pareils bilans contrastés. Si l’on veut sortir de cette casuistique et parvenir à quelques résultats solides, il faut nécessairement changer de cadre de pensée, raisonner non plus au niveau des capitaux singuliers mais à celui du capital dans son ensemble tout comme à celui de la crise écologique dans sa globalité.
Car le capital comme rapport social de production ne se réduit pas à la somme des capitaux singuliers dont il se compose ni même à la résultante de leurs mouvements cycliques, dans et par lesquels ces capitaux se combinent en échangeant leurs produits, se repoussent (par la concurrence) et s’attirent (par absorption et fusion) tout en s’accumulant. En tant que rapport social de production, le capital possède une logique propre, celle de sa reproduction avec ses exigences et implications spécifiques, logique qui s’impose non seulement aux capitaux singuliers et à leurs mouvements mais encore en définitive à la société tout entière7. C’est ce que nous avons vu tout à l’heure quand j’ai signalé que la concurrence intercapitaliste est réglée par des normes et des limites qui définissent ce qu’est le travail socialement nécessaire et qui relèvent de l’appropriation par le capital de l’espace social comme du système social des besoins, et en définitive de la lutte des classes dans ses effets les plus divers et les plus inattendus (décomposition et composition des classes, conclusion d’alliances et de compromis entre les classes, formation de blocs sociaux avec leurs armatures institutionnelles et leurs ciments idéologiques propres, etc.) qui résulte, elle aussi, de l’emprise du capital comme rapport social de production sur la société dans son ensemble.
De la même manière, on ne peut ni ne doit réduire l’actuelle crise écologique à une série de dégâts locaux, d’atteintes locales à « l’environnement » (difficile de trouver un terme plus vague !), ni même d’ailleurs qu’à une simple série de problèmes globaux : l’épuisement des ressources minérales, la pollution des éléments (le sol, l’eau, l’air), l’aggravation de l’effet de serre et les perturbations climatique, etc. Là encore, en raisonnant de cette manière, les arbres risquent de masquer la forêt (ce qui serait un comble pour une pensée systémique comme l’est par principe l’écologie) : cela risque d’occulter la nature exacte et les causes essentielles d’une crise qui met en jeu l’interaction entre la totalité des activités humaines, telles qu’elles se trouvent aujourd’hui déterminées plus ou moins directement par le capitalisme (plus exactement par le procès global de reproduction du capital), et cet infime fragment de la nature qu’est notre planète, soit la totalité de l’écosphère et de ses éléments. Si l’on veut saisir la crise écologique à sa racine, c’est à ce niveau de globalité qu’il faut se situer.
Ressaisie à ce niveau, la crise écologie apparaît alors comme la résultante de la contradiction entre les limites de l’écosphère et les contraintes auxquelles la dynamique illimitée de reproduction du capital tend à et tente de soumettre cette dernière. D’une part, nous avons une écosphère dont les ressources (espace, temps, matières, énergies, informations) qu’elles offrent aux activités humaines sont limitées et dont les écosystèmes qui la constituent, tant globaux que locaux, possèdent des capacités de reproduction (plus exactement d’homéostasie) également limitées8. Tandis que, d’autre part, le rapport capitaliste de production s’est présenté jusqu’à présent comme un processus indéfiniment expansif, en traitant la nature comme si elle était et un réservoir de ressources dans lequel on pourrait indéfiniment puiser et un dépotoir dans lequel on pourrait non moins indéfiniment déverser les déchets du procès de reproduction sociale, en comptant sur les capacités homéostatiques des systèmes naturels pour les absorber ou les recycler.
La résolution de la crise écologique suppose donc un mode de production capable d’intégrer comme une contrainte interne à son propre mode de fonctionnement cette donnée externe que sont les limites que le cadre écologique impose à l’activité humaine en général. Ce qui implique :
* d’une part, de limiter tant les prélèvements opérés par le procès social de production au sein de l’écosphère que les rejets opérés par ce même procès au sein de cette même écosphère, autrement dit de limiter l’échelle de reproduction de ce procès, voire de lui fixer une ligne rouge infranchissable qui, une fois atteinte, implique que l’échelle du procès social de production demeure identique, autrement dit que la reproduction sociale devienne une reproduction simple ;
* d’autre part, et comme condition et conséquence du point précédent, de contrôler le procès social de production dans ses interactions avec l’écosphère, donc de contrôler la croissance et le développement des forces productives au niveau de la société dans son ensemble.
Ce sont ces conditions de la solution de la crise écologique que le capitalisme (le procès global de reproduction du capital) n’est pas parvenu à remplir jusqu’à présent ; et c’est pourquoi il n’a cessé d’aggraver cette crise. Mais cette incapacité est-elle conjoncturelle ou structurelle ? Tient-elle à un régime particulier de fonctionnement du capitalisme dont celui-ci pourrait sortir, moyennant toute une série de réformes structurelles profondes, pour satisfaire aux deux conditions précédentes ? Autrement dit, un capitalisme écologiquement réformé est-il possible et envisageable ? Ou, au contraire, l’incapacité à satisfaire aux deux conditions précédentes, dont le capitalisme a fait preuve jusqu’à présent, tient-elle à sa nature même, à son essence, autrement dit aux structures qui le constituent et dont il ne peut se libérer qu’en se reniant, qu’en se transformant en un mode de production différent ? Autrement dit, un « capitalisme vert », un régime de fonctionnement du procès global de reproduction du capital capable de satisfaire aux deux conditions précédentes de la solution de la crise écologique globale est-il structurellement impossible ? C’est le second terme de cette alternative qui me paraît devoir être retenu.
En premier lieu, ce rapport social de production qu’est le capital ne peut se reproduire qu’à une échelle progressive, il ne peut connaître de reproduction qu’élargie : en un mot, le capital doit nécessairement s’accumuler. Ce qui implique qu’une part plus ou moins importante de la plus-value, formée par l’exploitation de la force de travail et réalisée sur le marché, doit nécessairement servir à former un capital additionnel, à créer par conséquent des forces productives (des moyens de production et des forces de travail) supplémentaires. Ce qui revient tout simplement à dire que le capitalisme est par essence productiviste : il produit à fin d’accumuler des moyens de production et des forces de travail supplémentaires, à fin d’élargir sans cesse l’échelle de la production.
La démonstration de cette proposition a déjà été apportée par Marx dans sa critique de l’économie politique, dont Le Capital constitue le point d’orgue. Les trois principaux arguments avancés par Marx sont les suivants. D’une part, le capital est essentiellement valeur en procès : il est de l’argent (forme autonomisée de la valeur) qui cherche et parvient non seulement à se conserver mais encore à s’accroître (à se valoriser) dans et par la production et de la circulation de marchandises. L’argent ne devient capital, ne fonctionne comme capital, qu’à cette double condition qu’il parvienne à se conserver et à s’accroître par l’intermédiaire d’une production et d’une circulation marchande ; et il ne demeure capital que pour autant qu’il poursuive incessamment ce procès, qu’il le répète indéfiniment. Dès lors cependant, une reproduction simple de ce procès, à échelle identique, serait contraire à sa propre nature : elle impliquerait en effet que l’intégralité de la plus-value ainsi formée et réalisé par le capital soit dépensée comme pur argent, comme simple revenu du capitaliste. Un capitaliste qui agirait de la sorte cesserait donc de fonctionner comme capitaliste dans l’usage de la plus-value pour ne plus assurer que la simple reproduction de son capital initial. Il se mettrait ainsi en contradiction avec lui-même en tant que capitaliste.
Au demeurant, un capitaliste opterait-il pour un pareil comportement qu’il serait rapidement rappelé à l’ordre par ses confrères et concurrents. Car la contrainte en faveur d’une reproduction élargie du capital (de son accumulation) opère aussi, d’autre part, par le biais de la concurrence capitaliste. En effet, un prix de marché étant donné, l’un des moyens pour tout capitaliste opérant dans ces conditions de marché de réaliser un profit supérieur au profit moyen et de s’assurer une échelle de circulation plus importante (de conquérir des « parts de marché » supplémentaires) est d’abaisser ses coûts de production. Ce qui ne peut se faire généralement que moyennant une révolution du procès de production (le développement de nouveaux procédés de production, la mise en œuvre de nouveaux moyens de travail, l’innovation dans l’organisation du travail, etc.), de manière à accroître la productivité du travail, et moyennant une accumulation supplémentaire de capital. Si cette dernière est un résultat de la concurrence, elle en est aussi inversement un moyen : dans la mesure où l’accumulation du capital se traduit, au niveau des capitaux singuliers par leur concentration et leur centralisation, elle sert aussi d’arme dans « la guerre de tous contre tous » que se livrent les capitalistes… et plus encore dans les « ententes cordiales » qu’ils passent entre eux dès que la concurrence a généré des situations d’oligopole ou d’oligopsone.
Enfin, au niveau du capital social, la même nécessité d’augmenter la productivité du travail, par conséquent d’accumuler du capital, non seulement extensivement (en étendant simplement l’échelle du capital existant, en répétant celui-ci dans sa composition technique et organique donnée à un moment) mais encore intensivement (en augmentant sa composition technique et organique), se fait sentir pour une dernière raison. C’est que, face à la résistance que les travailleurs salariés opposent à leur exploitation, face à leurs luttes pour réduire la durée et l’intensité de leur travail et pour renchérir la valeur de leur force de travail (augmenter leurs salaires réels par élargissement et enrichissement des normes de consommation), l’accumulation est la seule arme dont dispose le capital. C’est par ce biais qu’il parvient à générer une plus-value relative ainsi qu’une surpopulation relative, nécessaire non seulement pour assurer la flexibilité de l’appareil de production mais pour discipliner « l’armée industrielle active » : pour contraire les travailleurs salariés à accepter leurs conditions d’emploi, de travail et de rémunération.
En définitive, la subjectivité capitaliste, la concurrence intercapitaliste comme la lutte de classes entre capitalistes et travailleurs salariés concourent à faire de l’accumulation du capital une nécessité et, par conséquent, à relancer sans cesse cette dernière, quel que soit le niveau qu’elle ait déjà atteint. Sous ce premier rapport déjà, le capitalisme est incompatible avec une solution de la crise écologique qui suppose, au contraire, de limiter l’échelle tout comme d’ailleurs le rythme du procès social de production.
En second lieu, au sein du capitalisme, le développement (quantitatif et qualitatif) des forces productives de la société, partant leur impact écologique, ne peut faire l’objet d’aucun contrôle social global, comme l’exigerait pourtant aussi la solution de la crise écologique. En effet, ce développement y prend nécessairement la forme d’un processus aveugle, irréfléchi et involontaire, qui échappe au contrôle voire à la conscience de ceux-là mêmes qui en sont pourtant les agents et les acteurs, capitalistes aussi bien que travailleurs salariés. C’est qu’elle est la résultante d’une multiplicité de décisions (d’investissements et de désinvestissements, de déplacement des capitaux d’une branche de la division du travail à une autre ou d’un territoire à un autre) et d’innovations (dans les produits et les procédés productifs) effectuées indépendamment les unes des autres par les directions des différents capitaux singuliers.
Car, du fait de la propriété privée des moyens sociaux de production, le travail social (la mise en œuvre des forces productives de la société) se présente nécessairement sous la forme d’une multiplicité de travaux privés, indépendants les uns des autres, séparés les uns des autres, non coordonnés entre eux et bien souvent directement rivaux ; et, dans ces conditions, la socialisation des travaux privés ne peut s’effectuer que sous la forme de la mise en concurrence de leurs produits sur et par le marché : c’est lui seul qui ‘dira’ si et dans quelle mesure ces travaux privés possèdent une validité sociale. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui font que, constamment, certains de ces travaux (partant les entreprises qui les réunissent et les travailleurs qui le fournissent) se trouvent invalidés par le marché (leurs produits ne s’y vendent pas, les entreprises doivent licencier ou font même faillite) ; et que, périodiquement, se produisent, soit à l’échelle d’une branche de production soit à celle du procès social de production (de l’économie) dans son ensemble, des crises de surproduction : trop de capital a été engagé, autrement dit trop de forces productives ont été mises en œuvre relativement aux besoins solvables, tels qu’ils sont déterminés par les rapports capitalistes de répartition de la valeur formée entre capital et travail.
Un contrôle global (au niveau de la société dans son ensemble) du développement des forces productives, pour en limiter l’impact écologique à ce qui est soutenable par l’écosphère, tant quant au renouvellement des ressources qu’offre cette dernière que quant à sa capacité de recycler les déchets du procès social de production, supposerait que les différents travaux effectués dans les multiples unités de production dont se compose l’appareil social de production fassent l’objet d’une socialisation a priori (avant engagement des forces productives) et non pas d’une socialisation a posteriori (une fois ces forces productives engagées et mises en œuvre) sous forme et par l’intermédiaire du marché. En un mot, cela supposerait de substituer à ce dernier une planification du développement des forces productives tout à fait incompatible avec la propriété privée des moyens sociaux de production.
On constate donc que le capitalisme est structurellement incapable de satisfaire aux deux conditions fondamentales d’une solution globale de la crise écologique ; et que, en ce sens, un « capitalisme vert » est une contradiction dans les termes. Aux arguments précédents, on pourrait d’ailleurs en ajouter d’autres qui, pour être de moindre importance, n’en sont pas négligeables pour autant. Par exemple, l’accumulation du capital s’accompagne nécessairement de sa concentration et de sa centralisation, qui induisent une concentration et centralisation spatiale des activités et des populations (c’est la racine du phénomène d’urbanisation de la société) ; alors qu’un développement écologiquement soutenable exige au contraire la déconcentration et la décentralisation des activités productives et des activités humaines en général.
Mais qu’un « capitalisme vert » soit impossible ne signifie pas qu’il ne faille pas lutter, d’ores et déjà, au sein du capitalisme, pour obtenir qu’il ne se réforme écologiquement, pour y injecter la dose maximale de « verdure ». D’une part, de pareilles luttes sont nécessaires pour limiter l’échelle et ralentir le rythme de développement de la crise écologique, qui menace dès aujourd’hui les conditions de vie (et quelquefois de survie) de populations de plus en plus nombreuses, notamment parmi les plus déshéritées de la périphérie mondiale. Tandis que d’autre part, ces luttes doivent précisément avoir pour fonction et objectif d’exacerber la contradictions entre les exigences d’une solution globale de la crise écologique et les formes et finalités que le rapport capitaliste de production impose au procès social de production, de manière à créer les conditions tant objectives que subjectives d’un autre mode de production.
Alain Bihr